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♪♪♪♪ Râleries, bouts de vie et gribouillis ♪♪♪♪
3 mai 2011

L'impuissance, c'est moche...

 

 

Et mon titre est d'une pertinence et d'une subtilité hallucinante... 20 ans, pour beaucoup, c'est le plus bel âge : on est jeune, on est beau, on en veut... Pour une de mes amies, appelons-là A, 20 ans, ça craint... Je sais pas trop par où commencer, je ne sais même pas si écrire va aider, d'autant plus que je me dis que finalement le faire sur mon blog n'est peut-être pas une bonne idée, c'est même peut-être un peu de l'exhib' mal placée, mais ce soir je me sens vraiment comme un manchot en plein Sahara.

Quand A m'a demandé ce matin si je pouvais l'accompagner chez le médecin, je n'ai pas bien compris (je ne connais pas bien A, je l'aide en cours, c'est tout), mais la vox populi veut que dans ce cas, on ne pose pas de question et on accepte, on ne sait jamais, peut-être qu'un truc grave se passe, et par "truc grave", j'entends souvent : "un alien dans le tiroir" pour une fille de mon âge.

Donc on fait civiquement ce que monsieur ou madame tout le monde fait, on répond "bien sûr" avec un sourire qui se veut rassurant, même si sur ta face de parano-hystérico-anxieuse, ça fait plus une grimace du genre : "putain de merde, dans quoi je vais me fourrer encore?" (rigolez pas les gens, je suis très poissarde). Et voilà, bon gré mal gré, tu sèches la Géo Diff, bah, pas grave, pour ce que t'en comprends, et tu pars à l'aventure dans Paris. A est à côté de toi, te parle vaguement des cours tout en triturant une grande enveloppe, toi tu réponds en t'inquiétant tout aussi vaguement de ses soucis en cours et vous arrivez à destination, une destination que tu as vaguement repérée dans ton plan mental de Paris (oui c'est vague pour l'instant cette histoire, d'ailleurs toi aussi tu te sens vague à ce stade-là).

Puis la salle d'attente, A est partie en consultation et toi tu attends, t'as le temps de psychoter, apparemment ça risque d'être long. En plus tu kiffes ça psychoter, tu es passée pro dans ce domaine depuis longtemps, même si ça fait plusieurs mois que t'as arrêté de te ronger les ongles (oui il fallait que je le case à un moment ou un autre, j'en suis très fière).

Alors c'est parti! On ouvre les paris dans ta tête avec tes autres toi, l'ambiance est survoltée !

A TOUS LES COUPS, A est en cloque et tu vas devoir l'accompagner dans le processus d'avortement et la soutenir, tu sauras pas quoi faire parce que t'es une pauvre tanche en matière de soutien moral et que ta tendance à te faire des films dans la tête va te faire faire un transfert immonde et tu vas revenir à quelques années en arrière à un problème qui t'a concernée et t'a suffisamment fait paniquer, donc NIET, c'est juste pas possible, A n'est définitivement pas enceinte.

Donc tu passes à autre chose : MST ? Herpès, Syphillis, Hépatite accompagnée d'une charmante lettre, ou le terrible VIH, tu te récites le catalogue "prévention" qu'on te distribue au collège et tu aboutis à la conclusion, "c'est pas possible, on est au XXIè siècle, tout le monde se protège, surtout les jeunes parce que le monde c'est beau et magnifique et les gens sont tous roses bonbons dans leur coeur et dans leurs moeurs". Haha ! T'es carrément trop fière de ta façon de gérer scientifiquement les maladies les plus graves de la planète.

En même temps ton toi t'engueule un peu "espèce d'obsédée, que des problèmes issus du sexe" ! OH PUTAIN, nan surtout pas un cancer ! Ton pote de lycée s'en est déjà chopé un l'an dernier, ça suffit ! Tu boucles ce paragraphe inutile par un gros ETC... Le lecteur aura compris l'ambiance, de toute façon si tu continues tu vas laisser le lecteur entrer dans ta sphère privée et avoir des "ooooh ma pauvre" larmoyants, hypocrites et inutiles (et horripilants qui plus est).

Et A sort, les yeux rougis, elle est vraiment jolie (ta tête te dit "c'est pas le moment, modère-toi"), et...

Et ensuite quoi ? Les larmes sur le chemin du retour, le banc du parc et ton épaule maladroite, la sensation du "qu'est ce que je fous là/est-ce-que je l'aide vraiment comme il faut/mais qu'est ce qu'il se passe?", les mots qui ne veulent pas sortir et qui finissent par exploser.

A est atteinte du SIDA.

A doit se prostituer pour poursuivre ses études.

Haha !

C'est de la fiction, ça arrive que dans les films qui se veulent "réalistes" ça, pas à des gens que tu connais !

...

Ah, non...

 

 

On se dit souvent que dans des coups durs comme ça, il est plus facile de se confier à un inconnu, j'essaie de me dire que c'est pour ça qu'A est venue me voir étant donné que nos discussions tournaient souvent autour du thème "t'as pigé ce passage-là du cours ?".

En même temps en y repensant, je n'ai pas vu A parler à beaucoup de gens à la fac.

Je ne sais pas où me placer, ni quel va être mon rôle à jouer dans les jours à venir, si tant est que je doive continuer à jouer un rôle. Je crois que je vais essayer d'être juste là, c'est tout.

A avait l'air de se sentir honteuse, je la trouve pourtant très courageuse.

Je ne veux pas essayer de parler en son nom, le texte peut paraître profondément égocentrique vu qu'il se base essentiellement sur mon ressenti, en même temps, je ne peux vraiment pas tenter de me "mettre à sa place" et tomber dans un pathos hypocrite. Ce sont ses pires heures et la faire parler via moi serait, à mon sens, irrespectueux.

Du coup, je préfère parler de mon ressenti en tant que "personne à qui l'on s'est confiée". Et même si la douleur est plus intense chez A, être confrontée comme ça d'un coup à ce qu'on appelle, de façon agaçante mais juste, les "aléas de la vie" et de se retrouver à devoir partager ceci, c'est pas évident.

La prostitution, j'y suis confrontée tous les jours en bas de ma rue et par Lydia, une prostituée que, jusqu'à il y a quelques mois, je voyais régulièrement et qui était l'une de mes rares "voisines" avec qui je parlais. Mais Lydia avait 40 ans passés et assumait plus ou moins son boulot. A, elle, a 20 ans. 20 putains d'années, comme moi, du coup ça me choque doublement. Et en ce moment-même je maudis tous les clients qui entretiennent ce marché.

Le VIH, ça m'effraie, j'imagine que A aussi, et même si la science fait des progrès dans le domaine, on sait pertinemment que ce n'est vraiment pas une nouvelle facile à prendre.

Je ne veux pas la rejeter, je ne veux pas l'étouffer. Pas la forcer à parler mais être là pour l'écouter. Ne pas l'aider de manière contraignante mais essayer de trouver de maigres solutions. Ne pas être indifférente à ces problèmes mais ne pas les laisser me ronger...

J'ai des épaules fragiles, une tendance à abandonner trop facilement, et je sais que je ne veux pas me le permettre. En même temps je ne veux pas non plus que ça me bouffe complètement, déjà pour motif purement égoïste de vouloir me préserver et puis aussi parce que dans le fond, ce n'est pas moi qui vit le drame en question.

20 putains d'années...

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Commentaires
L
Merde.<br /> <br /> ça plombe ton texte là, putain se retrouver face à ça, même pour nous, lecteur, ça fait un coup au coeur, il se sert très fort et on a envie de se dire que c'est pas juste, et on veut faire un truc mais on peut pas. Sois là pour cette personne, elle t'a "choisi", maintenant tu es liée à elle d'une certaine manière, et tu as une responsabilité. C'est un peu le destin qui l'a poussé à venir te voir toi, alors ne baisse surtout pas les bras. Je sais pour moi c'est facile de dire ça, je connais une personne qui est atteinte du VIH, elle a été très très affaiblie par la maladie, mais c'est une personne forte, et je ne sais plus genre, 20ans après, les médecins lui on annoncé un miracle: le virus était toujours là mais stabilisé. Comme quoi, quand y a de la vie y a de l'espoir. A est jeune, elle pourra se relevée.<br /> Mes pensées ce soir sont portées vers toutes ses jeunes filles qui ne peuvent pas subvenir correctement à leurs simple besoin (le droit d'étudier MERDE!!!!!!!!) et qui se retrouve dans ce genre de situations, tout ça pour avoir un avenir...
T
A tous => Merci beaucoup ! Je ne vois pas quoi dire d'autre, juste merci.
A
Hé, salut, miss.<br /> <br /> Je suis désolée d'apprendre ça, c'est dur. Et à la fois, c'est juste impressionnant que ce soit toi. Dans tout l'auditoire, chez les gens avec qui elle parle vaguement, c'est toi qu'elle a choisi, quoi.<br /> Tu as quelque chose qui met les gens en confiance, je le savais déjà et ça s'est vérifié. <br /> Et je crois qu'elle n'aurait pas pu tomber mieux, parce que de ce que je lis de ton ressenti et de ton non vouloir de te mettre à sa place, tu as eu la réaction la plus humaine qu'il soit.<br /> <br /> Je lui souhaite beaucoup de courage, je t'en souhaite également, tu as un rôle important à jouer maintenant. Désolée si ça alourdit ton quotidien, mais te connaissant, même qu'un peu, je pense que savoir que tu pourrais être un point positif dans sa vie de merde, ça doit te donner envie de rester, en plus de toute l'admiration/la solidarité qu'elle éveille en toi, bien sur.<br /> <br /> T'es la meilleure.
.
Bonjour,<br /> je suis une de vos lectrices anonymes, de celles qui passent sans commenter mais qui n'en apprécient pas moins votre travail. Je suis aussi séropositive et ce n'est pas évident pour moi de parler de ma maladie, je vais donc profiter de cet anonymat restreint que nous garantit un blog.<br /> Croyez-moi, vous avez parfaitement réagi, et même exceptionnellement. Combien à votre place auraient fui? Les jours à venir seront très difficiles pour votre amie, l'acceptation de la maladie est une étape pénible et longue, je ne vais pas étaler mon expérience personnelle, par respect à la fois pour vous et votre amie, mais si j'avais pu avoir une personne pour m'écouter, pas nécessairement pour m'assister en tout et pour tout, simplement une présence discrète, cela m'aurait profondément aidée.<br /> Il existe plusieurs associations pour accompagner les malades, vous pouvez m'envoyer un courriel pour que je vous fournisse les adresses.<br /> Ce qui va être pénible dorénavant pour elle, c'est le regard des autres, cette honte affreuse et injustifiée, cette volonté de tout cacher pour garder un tant soit peu sa dignité, ne la rejetez pas, je vous en prie. Mais ne la forcez pas à parler, elle le fera si elle le souhaite, je pense que le fait de s'être confiée à vous est déjà un pas énorme pour elle.<br /> Quant au problème de la prostitution estudiantine, on a souvent tendance à se dire que c'est irréel et on se voile la face, je ne peux pas vous aider sur ce sujet que je ne connais que des médias mais là encore il doit exister des associations.<br /> Courage.
B
Hello Tomoyo,<br /> <br /> On a beau ne pas se connaitre, je suis ton blog discrètement depuis plusieurs mois maintenant et face à une telle note je ne pouvais pas ne pas réagir.<br /> Je n'ai jamais vécu une telle situation mais j'ai été dans le cas "personne qui ne va pas bien et qui demande de l'aide". Je n'ai pas le SIDA mais des évènements dans ma vie m'ont conduite a avoir le moral en dessous de zéro. Je ne suis pas là pour me plaindre ou comparer des situations qui ne sont absolument pas comparables, mais simplement pour te dire que du point de vue de la personne qui souffre, tant qu'on à avec nous une personne qui est là, qui écoute, même sans rien dire et sans forcément réagir a cause du choc ou tout simplement parce qu'elle ne trouve pas les mots et bien c'est quand même déjà énorme. Je pense sincèrement que A, en plus de la peur de la maladie, avait par dessus tout peur d'être rejetée. Tu étais là, tu l'as écoutée et tu n'a pas pris tes clic et tes clac quand elle t'a parlé de tout ça. Ça te parait peut être normal a toi mais malheureusement bien des gens auraient mal réagit et seraient tout simplement partis. Rien que le fait de rester, de l'écouter et de la soutenir de ton mieux ça à dû, je pense, lui faire du bien. La maladie en elle même est grave et incurable mais on vie mieux avec qu'il y a 20 ans, c'est un fait. On souffre moins, on vit plus longtemps,... Comme tu le souligne, ton amie est jeune. Ça, ajouté a sa situation, évidemment, ça choque et ça fiche un gros coup au moral. Mais si on essaye (je dis bien essaye parce que je me rend bien compte que ce n'est pas facile) de voir un peu de positif dans tout ça (oui je sais ce n'est absolument pas le bon terme et j'en suis désolée mais je ne trouve pas plus juste) c'est que sa jeunesse va dans un premier temps l'aider a mieux supporter les traitements et a se relever plus vite. Il faut qu'elle se batte, vraiment. Autre chose, c'est que la recherche avance. On ne guérit toujours pas du SIDA mais on avance de plus en plus. On vit mieux et plus longtemps et peut être que dans 5, 10 ou même 15 ans on trouvera enfin un vrai remède a cette putain de maladie. Et je souhaite de tout mon coeur que A puisse en bénéficier.<br /> Voila voila, j'espère que tu ne trouvera pas bizarre qu'une parfaite inconnue se permette de donner son avis comme ça mais comme je te l'ai dis, cette note ne m'a pas laissée indifférente et je m devais de réagir. Plein de courage a toi et a ton amie.
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